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Lettre ouverte à Tous

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Lettre ouverte à Tous dans Mariage pour tous brive2011-042-225x300

 

Bien chers Vous,

­Vous recevez depuis quelques temps des articles, des liens, vous expliquant gentiment pourquoi il serait de bon ton de soutenir le mariage pour tous. Des argumentaires se dépliant tranquillement, et démontant tout aussi sereinement les non-arguments du camp d’en face.

L’un des derniers mails que je vous ai fait suivre « Avec ou contre nous » m’a bousculé. Méchamment même.

Jusqu’à présent, ma seule action militante consistait à relayer les arguments des autres ; une façon de ne pas être trop impliquée, de rester à une distance prudente et raisonnable. L’art de l’esquive ayant ses limites… j’y suis !

Quand j’ai eu fini de vous « mailer » ce texte, chamboulée comme je l’étais, tant les mots que je venais de lire avaient touchés juste, je me suis dit que de cette émotion qui montait et me prenait à la gorge, il fallait au moins que j’essaie de vous en dire quelque chose.

­Moi je me suis réveillée bien tard, attendre 35 ans pour comprendre qu’on est homosexuelle c’est long… Mais ce temps là m’a bien protégée ; en 1998 je ne crois pas que j’aurai pu encaisser la violence des propos homophobes lorsque le PACS a été laborieusement voté. J’imagine avec colère ce qui passe dans la tête des gamins qui se découvrent en ce moment homosexuels.

­En aimant une femme c’est comme si brutalement j’avais été déchue de mes droits.

­Des gestes simples, comme lui tenir la main dans la rue, l’embrasser, demandent un peu de courage. Parce qu’il y a le regard des autres, dont je me fous la plupart du temps, mais qui écorche et fait saigner à force d’insistance. Oh, pas besoin d’être insultée, un regard outré, ou pire, lubrique, nous met des cailloux dans les chaussures. Évidemment, on continue notre route, en se serrant juste un peu plus fort. ­

Je l’ai entendu de certains d’entre vous, mais pourquoi diable vouloir être visible ? Ah oui, d’accord, vous m’acceptez mais faut que je sois discrète… vous la voyez quand même l’idée qui pointe derrière non ? Mais si, écoutez la petite voix qui dit : « c’est quand même pas glorieux, pas de quoi se vanter. » Le pire c’est que je sais bien que vous le dites sans y penser… et c’est le plus terrible. Nous en sommes tous là, à véhiculer cette foutue homophobie que l’on intègre dès la cour d’école… ben oui, l’insulte suprême c’est bien « pédé » non ? Avec l’âge ça prend juste des formes plus insidieuses et plus sophistiquées…

­Être « condamnée » au comint-out permanent c’est un peu lassant à la longue ; bien naïvement, je pensais qu’il fallait se jeter dans le vide une bonne fois, mais non, à chaque nouvelle rencontre revient l’impression d’un examen de passage. La question de l’acceptation de soi sans cesse reposée… j’adore les questions récurrentes mais là je sature !

Évidemment je pourrais ne rien dire et taire une partie essentielle de moi. Allez, essayez donc de pratiquer l’exercice : pendant 48h, pas un mot sur de l’amour de votre vie, à vos amis, famille, collègues, pas la plus petite allusion à vos espoirs, désespoirs, projets… pas facile hein l’expérience du placard ? ­

Plus j’avance sur le chemin de la prise de conscience des injustices et plus la colère monte.

­ Merde quoi, je ne peux pas protéger celle que j’aime comme vous pouvez choisir de le faire. Si un enfant arrive cela sera au prix d’un parcours long, couteux et illégal… et je n’aurai aucun droit, aucun devoir… au nom de quoi ?? Certains d’entre vous sont bien placés pour savoir que 100 % des familles maltraitantes sont hétéros… mauvaise blague? ok… autant pour moi.

­Nous faisons tous des choix de vie sans trop y penser… on se marie -ou pas, on fait des enfants -ou pas, on divorce -ou pas, on refait notre vie (ou pas), on meurt (ou pas… ah si là personne n’y coupe) en léguant ce qu’on peut à nos enfants et à nos conjoints et cela nous paraît juste normal.

Faire ces choix qui nous engagent c’est la façon banale d’envisager nos vies… enfin pour les hétéros parce que les homos, ils se retrouvent comme moi… c’est à dire comme une conne, à 36 ans passés, à devoir attendre que d’autres décident, donnent une autorisation, un droit…

Quand on a pu comme moi, faire l’expérience de ces engagements (mariage, enfants…) sans demander l’avis à quiconque, la différence est juste insupportable. ­ ­

J’ai évité le débat direct avec vous. Parce que c’est trop douloureux. Je reste pétrifiée de devoir argumenter… Vous, des gens que j’aime et respecte, comment vous pouvez supporter que je sois insultée sur la place publique : Inceste… Polygamie… Mort de la famille… Anormaux à soigner… Certains plus fragiles prennent tout en pleine face mais même si on est solide, bien préparé, les assauts de ces discours infamants finissent par laisser des traces.

Comment vous expliquer ça en peu de mots… le chemin pour accepter son homosexualité est long et chaotique parce qu’il faut s’affranchir des préjugés homophobes qu’on a intériorisé depuis l’enfance. On avance vers soi, on se construit une armure, mais elle n’est pas hermétique… alors ces propos repris par les médias viennent ramener chacun d’entre nous à sa bataille intime et immanquablement à un moment ou un autre faire vaciller l’équilibre difficilement acquis.

­Et mes enfants qui entendent cela… il y a depuis un an quelqu’un qui partage leur vie, qui les aime, s’en préoccupe… et ces vilains mots qui arrivent quotidiennement jusqu’à eux malgré nous… « gouine« , « goudou », contre-nature, anormale… à écouter certains hauts dignitaires religieux, la famille dans laquelle ils s’épanouissent contient en germe l’inceste… Oui, rien que ça !

Alors comment on fait pour les défendre, pour leur dire que c’est les autres qui ont tort. Parce que pour l’instant la Loi est de leur côté. Puisque c’est illégal de se marier et de faire des enfants pour des « gens comme nous »… comment ils peuvent se sortir de la tête que ce qu’ils vivent est anormal, malsain, voir dangereux…

Boutin, Copé, Barbarin et compagnie nous couvrent de boue. Aujourd’hui en France, on a le droit d’être homophobe… pour rire jaune, remplacez donc « homos » par « noirs » ou « juifs »… Tout de suite ça grince un peu au niveau des canines, non ?

Il y a aussi votre silence, votre indifférence gênée, lorsque ce sujet s’invite.

­Je n’aimerai pas lire ce que je vous écris. Bien consciente que c’est dérangeant d’être interpellé de la sorte. La société dans laquelle nous avons grandi est profondément homophobe. Ces préjugés nous les avons bien intégrés, et véhiculés…

Les voix déconstruisant l’homophobie ordinaire ont été si rares, si peu audibles, si peu relayées…

Aujourd’hui je suis furieuse contre moi, de ne pas m’être posée de questions avant d’avoir moi-même buté dessus, d’avoir accepté comme normal que l’État français nie, discrimine, violente une frange entière de sa population.

Nous avons été négligeant, discriminant par ignorance mais aujourd’hui des voix s’élèvent, se font entendre. Elles ont besoin d’écoute, de relais mais surtout pour qu’elles puissent nous toucher et influer notre regard, il faut pouvoir admettre que oui, être contre le mariage pour tous c’est de l’homophobie, et oui ne pas soutenir l’accès aux mêmes droits pour tous les citoyens c’est accepter, cautionner cette homophobie.

­Aujourd’hui, pour demain, on peut faire le choix d’une société qui refuse d’avoir des sous-citoyens, en donnant les mêmes droits à tous… alors je compte sur vous, soyez avec nous..


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